Banderole

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03/11/2015

LES CARTES POSTALES ANCIENNES ET LES GUERRES DE VENDEE IV (suite)

    Nous allons poursuivre aujourd’hui encore, par une suite donnée au quatrième volet, la série d’articles que nous avons commencée au début du mois de septembre 2015. Cette dernière a pour objectif de présenter de quelle manière les cartes postales datant du début du XXème siècle (documents d’un genre nouveau), pouvaient servir à écrire l’histoire locale et par conséquent celle des Guerres de Vendée. Or, à la suite de la parution du volet précédent, il nous a été beaucoup demandé de publier d’autres cartes postales avec des légendes. Aussi, répondant à ces sollicitations, nous complétons les cinq cartes qui illustraient nos propos par une série de cinq autres cartes postales.

4°- Les cartes postales anciennes préservent les récits du XIXème siècle (suite) : 

    Comme nous l’avons déjà expliqué, certains éditeurs vendéens ont parfois fait imprimer sur leurs cartes postales, en plus de la légende stricto sensu, un petit texte qui expliquait l’événement, décrivait le contexte général ou retranscrivait un récit plus ou moins légendaire. Comme le photographe Eugène POUPIN de Mortagne sur Sèvre (Vendée) était sans doute le spécialiste de la question, nous retrouverons fréquemment de ce fait ses documents. Il s’agit souvent d’informations rapportées, il faut donc les lire avec beaucoup de réserve car elles contiennent souvent des erreurs ou des approximations. Elles ont tout de même le mérite : de retranscrire des récits souvent intéressants (parfois tombés dans l’oubli), de montrer que le souvenir des Guerres de Vendée était resté vivant à la Belle Epoque et de nous présenter des sites liés à l’histoire de la Vendée Militaire. Nous complétons donc par cinq nouveaux exemples choisis.
C.P. M.B (reproduction interdite)



    Cette première carte postale, portant le numéro 241, a été éditée en 1904 par le photographe Eugène Poupin. Elle représente la colline dite du Mont des Alouettes dans la commune des Herbiers, avec ses sept moulins à vent. Elle porte comme légende : « Ces moulins jouèrent un grand rôle dans les guerres de Vendée, l’orientation de leurs ailes était un signal pour l’armée royale qui se basait sur leurs indications ». Monsieur Poupin ne va pas plus loin dans ses explications. Mais le rôle important des moulins à vent du bocage dans le déroulement des Guerres de Vendée est assez bien connu. Ils fonctionnaient comme une sorte de télégraphe de Chappe simplifié. Quatre positions des ailes immobilisées donnaient les quatre informations fondamentales : - en quartier (croix de Saint André X) = repos, - en bout de pied (croix grecque +) = rassemblement, - en jambe de chien gauche (l’aile basse légèrement à gauche) = danger proche, en jambe de chien droite (l’aile basse légèrement à droite) = danger passé ». La colline des Alouettes, s’élevant à 233 mètres, et possédant huit moulins au XVIIIème siècle, était particulièrement indiquée pour cet usage. Malheureusement, les troupes républicaines finirent par s’apercevoir du stratagème. Aussi, dès le 15 octobre 1793 ils entreprirent d’incendier systématiquement tous les moulins à vent. Cette stratégie fut poursuivie par les colonnes infernales puisqu’elle avait « le mérite » de contribuer à affamer les populations. La présence de moulins au mont des Alouettes était attestée dès 1564. Sept d’entre eux furent restaurés au XIXème siècle et cessèrent leurs activités progressivement vers 1904. Sur le cliché ci-dessus, ils n’ont pas vraiment l’air en service mais ils ne sont pas encore dégradés. Toutefois , il existe une autre carte postale, représentant à peu près la même vue, photographiée et éditée en 1898 par Donatienne de Suyrot. Les ailes des moulins sont encore pourvues des bandes de tissu blanc qui les habillaient. Notons enfin que la carte postale ci dessus a le mérite de nous montrer la charrette à cheval de la famille Poupin que le photographe utilisait pour se rendre sur les différents sites où il a pris 4000 clichés environ durant sa carrière professionnelle. En revanche, elle ne nous monte pas la célèbre petite chapelle (située juste derrière), construite en 1825 et terminée en 1966, pour commémorer le passage de S.A.R la Duchesse d’Angoulême, belle fille du Roy Charles X, le 18 septembre 1823. 
C.P. M.B (reproduction interdite)

    Cette deuxième carte a été éditée par le même Eugène Poupin, sous le numéro 447, en 1904, la même année que la précédente mais quatre mois plus tard environ (et rééditée plusieurs fois ensuite). Elle représente les deux moulins à vent au lieu dit le Caillon situé sur les hauteurs de la Gaubretière. On aperçoit d’ailleurs sur le cliché, les toitures du château dit des Tourelles, construit au XIXème siècle. La légende qui figure sur la carte explique : « En 1793, un combat acharné eut lieu aux moulins du Caillon ; c’est là qu’au nombre de 6 à 7 mille, l’armée républicaine fut battue par les Vendéens commandés par Charrette et Sapinaud ; un bon nombre de soldats républicains s’étant renfermés dans ces moulins y périrent tous jusqu’au dernier sous le fer des Vendéens ». La commune de la Gaubretière ayant été particulièrement riche en combats, escarmouches, faits d’armes ou massacres, l’identification n’était pas d’emblée une évidence. Il s’agit très vraisemblablement du combat du samedi 7 février 1795. Ce jour là, Sapinaud de la Rairie, général en chef de l’armée du centre, surprit une colonne républicaine partie de Mortagne et se dirigeant vers La Gaubretière, sans doute pour finir de dévaster le bourg déjà martyrisé l’année précédente le jeudi 17 février 1794. Un combat sans merci s’engagea ; la fusillade dura cinq heures et aboutit à la totale déroute des Bleus. Comme on peut le voir, malgré l’erreur sur l’année et l’exagération pour le nombre des Bleus, la légende de Poupin était tout de même bien documentée et intéressante. Il évoque la présence des soldats bleus réfugiés et tués dans les moulins, alors que les autres récits n’en parlent pas. 
C.P. M.B (reproduction interdite)

    Cette troisième carte postale a, elle aussi, été éditée par Eugène Poupin. Mais, cette fois-ci il s’agit d’une carte précurseur (surnommée par les cartophiles « Poupin rouge »). Elle porte le numéro 6 de la numérotation primitive. Il s’agit donc d’une des dix premières cartes réalisées par ce photographe autodidacte. Dans un décor assez sombre et sinistre, elle représente trois femmes assises dans les ruines du moulin à eau dit de « l’Enfer ». La légende indique : « En 1793, un meunier donna des indications aux Bleus. Il fut surpris par les chouans et pendu dans son moulin. Depuis, chaque année dans la nuit de Noël, on entend des bruits terrifiants de chaînes et de voix, d’où le nom du moulin de l’Enfer ». L’éditeur a bien pris soin de nous prévenir qu’il s’agit d’une légende propio sensu. Personnellement, nous aimerions bien savoir s’il existe dans l’histoire très locale un élément, même petit, qui aurait pu donner naissance à ce récit. En effet, ce dernier est, à notre connaissance, le seul où le paranormal non religieux apparaît dans l’histoire des Guerres de Vendée. Compte tenu de la foi profonde et de la pratique religieuse rigoureuse à cette époque, le paranormal et la sorcellerie n’avaient pas leur place à ce moment en Vendée. Cette dernière pratique semble même avoir disparu durant cette période de tensions et de solidarités locales. On recommencera à s’en plaindre dans les campagnes dès le début du XIXème siècle, en regrettant même qu’elle ne soit plus punie du bûcher !!! 
C.P. M.B (reproduction interdite)

    Cette quatrième carte postale, non numérotée, n’appartient pas à une série réalisée par un éditeur célèbre. Au verso (dos divisé), on découvre l’inscription suivante : « les Herbiers – Imp – Pap J VERRIER ». Ce qui nous permet de la dater de 1925 environ. Elle représente, dans l’angle gauche de la façade, un portail du XVIIème siècle entouré de deux petites fenêtres de forme romane. On distingue surtout les vestiges d’un « montoir », élément construit en pierres et en briques pour permettre de monter à cheval sans difficultés. La légende précise : « Ardelay (Vendée) château du Boistissandeau. Sur cette pierre et près d’elle, cinq hussards d’une colonne de GRIGNON, venant de La Flocellière, massacrèrent le 31 janvier 1794 Madame d’Hillerin, paralytique de 84 ans et deux de ses filles Henriette et Agathe ». Le récit est tout à fait exact : le vendredi 31 janvier 1794, un détachement de Hussards s’introduisit au Boistissandeau. Trouvant dans sa chambre Madame Marie-Agathe Bourret de Beuveron veuve de Jean-Baptiste de Hillerin, âgée de 84 ans et paralysée, ils lui firent descendre l’escalier de granit, traverser le château et une partie de la cour en la tirant par les pieds. Ils l’installèrent sur le montoir, et l’égorgèrent à coups de sabre. Les deux filles Henriette et Agathe tentèrent de s’évader mais furent abattues à coup de pistolet, l’une près de la porte d’entrée principale et l’autre près de la chapelle. Les balles sont d’ailleurs encore visibles sur une porte de bois à proximité. Curieusement, les hussards quittèrent alors la demeure sans la livrer aux flammes. Le château du Boistissandeau avait été construit pour l’essentiel vers 1570 par René Olivereau, il avait ensuite été pourvu d’une belle chapelle en 1657 par Marie de Hillerin et avait reçu fréquemment la visite du savant Antoine Ferchault de Réaumur. 
C.P. M.B (reproduction interdite)


    Cette cinquième carte postale, portant le numéro 29 et représentant les ruines du logis de la Penissière La Cour dans la commune de La Bernardière, a elle aussi été éditée par Eugène Poupin (en 1903). Elle avait été précédée d’un autre cliché édité en 1900 sans numéro et représentant une vue différente du même logis. En revanche, les deux cartes postales portent exactement la même légende : « Ce château fut défendu, le 5 juin 1832, par quarante six vendéens sous la conduite de M. E de Girardin contre trois compagnies de soldats ; plutôt que de se rendre ils préférèrent laisser incendier le château où ils étaient enfermés. ». Nous allons emprunter à Emile GABORY le récit des évènements. « Le manoir de la Penissière… avait reçu une bande de 150 à 200 hommes. La garde nationale de Clisson, aussitôt reformée, se mit en route. Elle était commandée par Bureau-Robinière. Avec elle, un bataillon du 29ème de ligne…..Les soldats mettent le feu à la toiture et crient Brigands rendez vous. Les insurgés crient Vive Henri V et tirent par les fenêtres. Le feu gagne le château tout entier et les assiégés n’ont plus de munitions. Ils chantent le Miserere. Il ne leur reste qu’une ressource : fuir. Ils se laissent glisser dans la prairie qui s’étend derrière le château mais huit de leurs camarades, non avertis, restent dans le brasier. Leurs munitions sont épuisées. Un grenadier, voulant se rendre compte de ce qui se passe, se hasarde sur des poutres brûlantes ; il les aperçoit. Pris de pitié, il leur fait signe de s’échapper et revient à son corps en disant - Tous morts -. cet épisode demeure le plus remarquable de la campagne si réduite de 1832. La légende a grossi les chiffres des combattants, allongé la liste des morts, exagéré les résultats….. »

                            Chantonnay le 2 novembre 2015
                                Maurice BEDON

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