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La prochaine publication du numéro double de Savoir 143-144-145-146 paraîtra fin Février 2024

16/01/2016

LES CARTES POSTALES ANCIENNES ET LES GUERRES DE VENDEE VI

              Depuis septembre 2015, nous avons pris l’habitude de publier sur le blog de « Vendée Militaire » une série d’articles que nous allons poursuivre aujourd’hui. Il s’agit du sixième point, mais en réalité du huitième article puisque ce point VI (comme le point IV) a été doublé. L’objectif poursuivi par cette série est de montrer de quelle manière les cartes postales vendéennes, datant du tout début du XXème siècle, peuvent aider à écrire l’histoire locale et en particulier celle des Guerres de Vendée.

6 - Les cartes postales anciennes ont permis de faire connaître les monuments des Guerres de Vendée :  
      Nous avons commencé le dernière fois par la chapelle du Mont des Alouettes aux Herbiers qui a suffi à occuper toute la précédente rubrique. 
                                                         La colonne de TORFOU:

            Cette première carte postale a été réalisée par Eugène Poupin de Mortagne-sur-Sèvre. Comme elle n’est pas numérotée, nous n’avons pas théoriquement de possibilité de la dater. Mais il existe d’autres cartes issues du même cliché et qui, elles, portent le numéro 173. Or, ce dernier correspond à la fin de l’année 1903.
      La légende suivante y est imprimée: « cette colonne a été élevée en 1827 par M le marquis de la Brétesche, en mémoire de la victoire remportée, le 19 septembre 1793, par les vendéens sous les ordres du généralissime d’Elbée, sur l’avant-garde de l’armée de Mayence commandée par le général républicain Kléber ».
           Cette colonne a été beaucoup photographiée : En plus d’Eugène Poupin, les éditeurs : Victor Jehly à Mortagne, Jules Denis à Clisson, Augereau à Cholet, Fautrat à Cholet, Vasselier à Nantes et Dugas à Nantes s’y sont intéressés. Ce dernier, par erreur, situe Torfou dans le département de la Vendée.
       L’armée de Mayence, commandée par le général en chef Aubert-Dubayet, venait d’arriver dans l’ouest et était entrée à Nantes le 6 septembre 1793. Le 18, elle avait installé son état-major à Clisson. Le 19 septembre, l’avant-garde de cette armée, sous les ordres du général Kleber, par Boussay se dirige vers Torfou et y attaque tout d’abord à gauche les troupes de Charrette (près du bourg). Celles-ci fléchissent et reculent. A l’arrière, les femmes réfugiées dans la prière poussent les hommes à reprendre le combat. Au centre du dispositif le généralissime Lescure tient bon et Bonchamps arrive à la rescousse par la droite.
           Les soldats de Kléber, partant en retraite vers Clisson, sont harcelés par Charrette et attaqués par Royrand. C’était une grande victoire vendéenne, surtout contre ces soldats considérés comme invincibles. C’est au cours de cette bataille que Kléber, avec son accent alsacien aurait dit : « tiable, ces prigands se pattent pien ». 
       Sous la restauration, en 1827, Philippe-François Jousseaume marquis de la Bretesche, habitant le château voisin du Couboureau et propriétaire par ailleurs de la forteresse de Tiffauges, décida d’élever à ses frais un monument à la gloire des Vendéens. Le choix se porta sur une colonne de pierre installée au carrefour de la route de Cholet à Montaigu (RD 753) et de la route Clisson à Mortagne (RD 149), parce que c’était l’endroit le plus visible sur le site du champ de bataille de Torfou.
      Sous le règne de Louis-Philippe le gouvernement, par l’intermédiaire du préfet de Maine et Loire, avait souhaité faire détruire cette colonne œuvre des royalistes légitimistes. Il se contenta finalement de faire supprimer les noms des généraux vendéens qui y étaient gravés : Lescure, Charrette, Bonchamps et Royrand. Des plaques de bronze prévues pour représenter les combats n’auraient, semble-t-il, pas été réalisées. Dans le même esprit, toujours sous la monarchie de Juillet, on détruisit totalement la petite pyramide qui avait été élevée à la mémoire des Vendéens aux Quatre-Chemins de l’Oie. 
Le Monument de Louis de La Rochejaquelein
 Cette deuxième carte postale a été réalisée par Jules (César) Robuchon, photographe à Poitiers. Elle porte le numéro 392 ; mais Il est très difficile de dater avec exactitude un cliché de Robuchon. En effet, il est très souvent antérieur de dix ou quinze ans (parfois même de 40 ans) aux premières cartes postales.
    On serait par ailleurs tenté de dire qu’être fixé sur la pellicule par le photographe du célèbre ouvrage « paysages et monuments du Poitou » est presque un gage de monumentalisation. Il a inscrit comme légende : « Saint Hilaire de Riez (Vendée) Monument commémoratif des Mathes, où fut tué Louis de la Rochejaquelein le 4 juin 1815 »
   Eugène Poupin a lui aussi consacré un cliché à ce petit monument. Il porte le N° 553 et , lui, est facilement datable de 1904. Eugène Poupin place par erreur le calvaire dans une commune proche : Soullans (au village des Mattes). Des historiens le verront à leur tour dans une autre commune voisine : Le Perrier. En réalité, il s’agit du village des Mathes dans la commune de Saint Hilaire-de-Riez.


           Cette petite croix de fabrication assez naïve a été élevée dès le début du XIXème siècle et restaurée plusieurs fois, en particulier en 1993. Sur la carte postale d’Eugène Poupin on s’aperçoit mieux que le monument est constitué de deux parties. En arrière, une petite stèle porte un Sacré-Cœur et une dédicace « Hic Cecidit » (c’est ici qu’il tomba). En avant, un calvaire rustique domine une longue pierre où est gravée l’inscription suivante (parfaitement lisible sur le cliché de Poupin) : « Sur ce tertre fut tué et ici couvert de terre Louis de La Rochejaquelein ».

   



          Au retour de Napoléon de l’île d’Elbe, une insurrection royaliste s’organisa en Vendée. Parti en Angleterre demander des armes, Louis marquis de La Rochejaquelein (le frère de Monsieur Henri) débarqua sur les côtes de Saint Hilaire-de-Riez le 16 mai 1815, avec 2000 fusils et 1000 000  cartouches. Il établit son campement vers Aizenay mais, son titre de généralissime étant contesté, il ne réussit pas à coordonner son action avec celles des autres troupes insurgées.
               A partir du 31 mai, 14 navires anglais croisaient au large, attendant d’effectuer la seconde livraison. Se portant dans cette direction, La Rochejaquelein fut attaqué le 4 juin 1815 par les troupes impériales comptant 1200 hommes et commandées par le général Travot et son second Estevin. Pour juguler la déroute de ses troupes vers le pont des Mathes, il se plaçâ sur un tertre et installa son chapeau à la pointe de son sabre. Il fut ainsi reconnu par le lieutenant Lupin et tiré à vue par ce dernier. Décédé sur place, son corps fut tout d’abord recouvert de terre puis transporté ensuite au cimetière du Perrier.
             Sa dépouille repose aujourd’hui dans la chapelle funéraire des La Rochejaquelein dans l’église de Saint Aubin-de-Baubigné (Deux-Sèvres). 


                


  Le Monument de la Gaubretière.
          Cette cinquième carte postale a été, elle aussi, réalisée par Eugène Poupin, décidément très prolifique. Elle porte le numéro 3509, ce qui nous permet d’affirmer qu’il s’agit d’un premier tirage datant de 1912, fait juste après l’inauguration du monument.
   Cette carte porte une longue légende :  « Au cours de la funeste Grande Guerre 600 habitants de la Gaubretière furent massacrés en divers lieux de la paroisse et 600 autres périrent sur les champs de bataille. C’est en souvenir de ces martyrs et de ces héros que fut érigée cette colonne en 1912. ». 
       On peut également assez bien lire le texte gravé sur la partie supérieure de l’obélisque de granit : "A la mémoire de nos glorieux ancêtres morts au champ d’honneur ou massacrés près d’ici en 1793 - 94 - 95. La Gaubretière toujours fidèle 1912. Mon Dieu que je meure de la mort des justes. 50 j(ours) d’indulg(ence plénière)".
   Ce monument a été élevé au lieu dit la Drillais sur la route de Bazoges-en-Paillers en 1912. 


         La paroisse de la Gaubretière a fourni beaucoup de soldats aux armées vendéennes. Le nombre de ceux qui sont décédés au cours des combats est ici estimé à 600, peut être un petit peu généreusement.
     La Gaubretière est par ailleurs reconnue comme une des communes les plus sinistrées du département en 1794. En effet, le 4 février 1794, 40 hommes et 20 femmes se retranchent dans le clocher de l’église Saint Pierre où ils soutiennent un siège de huit heures. Ils seront massacrés près du grand Rey. 
        Mais c’est surtout le 27 février 1794 qui est considéré comme la journée du grand massacre. Ce jour là, le général Huché et sa colonne infernale commencent à 8 heures du matin à visiter, piller, incendier les maisons du bourg et des villages, puis à massacrer les habitants. La vallée de la Crume est le théâtre d’une véritable boucherie. Elle a d’ailleurs été rebaptisée depuis « vallée des royards », en souvenir des cris de douleurs des villageois assassinés (en patois « royer » signifie crier).
          A l’ancien prieuré de Gros-Bois, c’est au tour d’une vingtaine de personnes d’être alignées devant une haie et tuées. Toujours en s’avançant, les soldats bleus coupent les oreilles d’une cinquantaine de personnes avant de les massacrer . Le lieu a encore conservé le nom de « champ des oreilles ». La colonne infernale progresse toujours en poussant devant elle les autres villageois capturés.
       Arrivés à l’étang du Drillais dans un pré qui s’appelle aujourd’hui « le champ du massacre », les soldats martyrisent encore 300 femmes, vieillards et enfants. C’est près de ce dernier endroit qu’a été élevé le petit monument dont nous parlons. Il y a donc eu, au cours de la journée du 27 février 1794, environ 500 personnes massacrées par la colonne infernale du général Huché, seulement dans la commune de La Gaubretière. 
       « Au final, la notion de génocide vendéen a vécu ….!!!!» vient de conclure péremptoirement, en 2015, un historien. Nous laissons au lecteur le soin  de se faire sa propre opinion. 
       Pour notre part, sans intention polémique et toujours dans le cadre des monuments des Guerres de Vendée, nous avons prévu de vous parler le mois prochain des édifices des Lucs-sur-Boulogne. 

Chantonnay le 18 janvier 2016
Maurice BEDON

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